NAISSANCE D'UNE BAIONNETTE MODERNE AU XVIIème
+2
montagnard25
bbrmque
6 participants
Les armes du Paléolithique aux Années Folles :: Du Paléolithique à 1830 :: Les armes blanches et de jet
Page 1 sur 1
NAISSANCE D'UNE BAIONNETTE MODERNE AU XVIIème
Salut à toutes et à tous
Voici un article que j'avais écrit pour Le bulletin de l'Association Française des Collectionneurs de Baïonnettes
Son origine.
La baïonnette (ou en ancien français "bayonnette") est une arme blanche conçue pour s'adapter au canon d'un Mousquet, fusil, carabine…
Son origine est incertaine bien qu'il soit communément admis que la ville de Bayonne ne soit pas étrangère à sa première fabrication.
De nombreux historiens civils et militaires se sont penchés sur ces deux questions, toujours sans réponse : "A qu'elle époque remonte l'invention de la baïonnette ?" et "dans quel lieu fut elle inventée ?" Ils sont nombreux ceux qui recherchent la véritable origine de la baïonnette, cette arme qui deviendra l'outil indissociable du fusil. J'espère qu'au travers de cet article vous aurez envie d'apporter votre pierre à cet édifice. La rareté des documents d'époque et parfois leurs dispersions dans divers musées ou collections privées fait que les écrits modernes font souvent référence aux mêmes sources et de ce fait donnent les mêmes informations faute d'avoir des éléments nouveaux. Alors, mettons nous en chasse. Au travers de livres anciens, de revues ou journaux d'époques ou modernes, il est possible que des coins de voile se soulèvent … pour retomber peut être aussitôt.
La genèse de la baïonnette.
Certains auteurs évoquent que lors de la bataille de la Marsaille qui opposa les troupes de Nicolas de Catinat au Duc de Savoie, les soldats de Catinat manquant de munitions emmanchèrent leur couteau au bout de leur mousquet, le transformant ainsi en pic improvisé. Cette initiative leur aurait permis de remporter la grande victoire du 4 octobre 1693. Cela aurait donné naissance, aux dires certains, aux premières baïonnettes militaires, de type "bouchon". Ces nouvelles armes auraient été fabriquées à Bayonne dans cette ville qui était renommée à l'époque pour ses forges et ses fabricants de couteaux.
Sachant que les combats de la Massaille se sont déroulée dans le Piémont Italien et que nous avons un village dans les Alpes de Haute Provence actuelles, qui se nomme Bayons, il n'est pas ridicule non plus de penser que cela pourrait également venir de là…
J'aime cette hypothèse et elle figure dans mon dictionnaire Larousse de 1922 (mon plus vieux dictionnaire). Néanmoins, elle me semble impossible car anachronique. Le musé de l'armée à l'hôtel des Invalides à Paris envisage, lui, que selon ses documents d'époque, ce serait la date de 1640 qui serait la date de la première utilisation au combat et il émet une autre hypothèse : le nom pourrait provenir de "baionnier", nom que portaient des archers français experts dans le maniement d'un couteau court.
Cette première utilisation en 1640, eut probablement lieu, lorsque les soldats basques, ayant épuisé leurs munitions, à la redoute des Baïonnette, auraient triomphé des espagnols en attachant leur couteau au bout de leur fusil. (Tiens, ça a un petit goût de déjà écrit sauf que là ils sont basques ...)
Il est probable aussi que cela soit plus ancien, Au début du 19éme siècle on pouvait lire dans une tribune du sud de la France "Ce fut durant le siège que Bayonne soutint, en 1523, contre les Rois d'Angleterre et d'Aragon réunis, que les femmes de cette ville, tout en défendant courageusement ses remparts, inventèrent la baïonnette.
Mais il y a aussi le journal des Sciences Militaires qui affirme que le nom "baïonnette" existait déjà en 1578. ce serait un poignard qui, si l'on en croit cette revue militaire, aurait été utilisé par les Malais de Madagascar bien avant la France. Ces Malais auraient également donné aux troupes hollandaises coloniales le modèle de dague à fixer au canon de leur fusil…
Des historiens militaires comme le Général Marion pensaient que cela ne remontait pas avant 1641 et Le Général Gassendi dans son livre Aide-mémoire à l'usage des officiers d'artillerie de France attachés au service de terre, (1789) pensait que cela ne remontait pas avant 1671.
D'autres auteurs nous parlent du village de Bayon en Meurthe et Moselle… On peut également trouver l'origine du nom "baïonnette" dans le patois du nord ou le "baïon" est le carreau (la flèche) de l'arbalète. Cette hypothèse n'est pas plus ridicule que les autres car le carreau d'arbalète est une forte flèche dont le fut est court et trapu. Il se terminait à l'époque par un fer pyramidal à quatre pans à base carrée. La forme de la baïonnette bouchon pouvait faire penser à un carreau bien que celui-ci ne soit plus utilisé depuis l'arrivée des armes à feu. Cette proposition me fait penser à l'archer, le "Baionnier" c'est dans la même lignée…
Sans plus d'informations on ne peut qu'échafauder des hypothèses ou accepter le principe communément admis à savoir que c'est une "invention" française (j'aime à le croire) du XVIIème et qu'elle va bouleverser l'art de la guerre dans tous les pays.
Le premier modèle.
Si l'on retient l'idée que ce serait un soldat qui eu l'idée au 17ème siècle de mettre le manche de son couteau à l'intérieur du canon de son mousquet c'est probablement parce que, civil, il utilisait déjà cette technique. A la chasse au gros gibier, lorsque l'animal est blessé et qu'il est impossible de l'achever en faisant feu une seconde fois avec un fusil, à mèche ou à rouet pour les plus moderne en ce début de XVIIème siècle , l'animal est achevé on dira "servi" avec un épieu.
En absence d'épieu, il était d'usage de mettre le manche de son couteau dans le canon de son fusil le transformant ainsi en épieu pour servir l'animal blessé sans risquer de blesser ses chiens ou, de s'approcher trop prêt de l'animal blessé avec un couteau à la main. Cette pratique a donné un autre nom à la baïonnette bouchon, on disait également baïonnette à "manchon" car c'était le manche que l'on mettait dans le canon.
Évolution de la baïonnette bouchon
L'utilisation de la baïonnette à manchon ou à bouchon rendait impossible le tir et le rechargement du fusil ou mousquet. Cette situation a perduré longtemps et il faudra attendre le 21 décembre 1687, pour qu'un ingénieur militaire, Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban, propose à François Michel Le Tellier, marquis de Louvois le ministre de la guerre de Louis XIV une baïonnette «avec laquelle on ne laisserait pas de tirer et de charger comme s'il n'y en avait point». Pour ce faire, il rendra la baïonnette bouchon plus fonctionnelle en la dotant d'une douille qui enserre l'extérieur du canon du fusil. La lame sera reliée à la douille par un long coude afin que le soldat ne se blesse pas lors des manœuvres de rechargement. Désormais, il sera possible de tirer et de recharger son arme malgré sa présence au canon.
Concernant l'invention de la douille, il existe une polémique pour savoir qui de Vauban ou de Martinet à fait cette invention. Selon Voltaire ce serait le colonel Martinet inspecteur d'infanterie sous Louis XIV inventeur également du fouet à lanières introduit dans la discipline militaire qui l'a proposée le premier…
Comme on peut le constater cette modification est postérieure à la bataille Piémontaise. Cela ne remet pas en cause l'histoire de cette bataille qui fit gagner à la France le Conté de Savoie. La charge héroïque de l'infanterie française renversa à la baïonnette et sans tirer un coup de feu les troupes hispano-Savoyardes a probablement bien existé. Certes, mais une chose est sûre ce n'était pas en 1693, la première utilisation d'une baïonnette bouchon. Il est probable que les troupes de Nicolas de Catinat n'était pas encore dotées de la nouvelle baïonnette à douille, tant il est vrai que ses moyens financier et ses équipement étaient faibles.
Ce nouveau modèle suscite l'intérêt du ministre Louvois.qui, après l'avoir fait expérimenté, ordonne d'en équiper l'infanterie par une circulaire du 29 novembre 1689. Compte tenu des cadences de fabrication il faudra de longues années pour que cette nouvelle arme soit généralisée.
La bataille de FLEURUS le 1er juillet 1690 ce fut la première épreuve sur le terrain pour l’utilisation des baïonnettes à douille. Elle se termina par une victoire éclatante des armées de Louis XIV. Cependant Louis XIV, ayant remarqué la médiocre fixation des baïonnettes, refusa de les adopter pour son infanterie. A cette date 1690, en Grande Bretagne, le général Hugh Mackay, perfectionna la fixation en fendant les douilles sur toute leur longueur. Cela permettait de jouer avec l’élasticité du métal et de pouvoir faire tenir la baïonnette sur le canon quelque soit son diamètre.
Si la France est probablement à l’origine de cette arme, les diverses améliorations viennent d’ailleurs.
En France, avec l’arrivé des premiers fusils à silex (1700) l’infanterie a été dotée des premières baïonnettes réglementaires sur ordre du roi et sur les conseils de Vauban en 1703. Ce modèle est connu sous la désignation de « Surirey de Saint Remy »
En 1703 La généralisation des baïonnettes entrainera la suppression des fantassins "piquiers". Ils disparaitront avec leur longue pique de 13 pieds (4,22 m).
Il était désormais possible de tirer et de recharger baïonnette au canon. La protection des piquiers n'était plus utile et la plupart des piquiers deviendront des fusiliers qui combattront en ligne ou des grenadiers un peu plus tard.
La baïonnette à douille réglementaire était née officiellement mais il faudra attendre encore jusqu'en 1717 pour qu'elle acquière vraiment ses lettres de noblesse avec le premier fusil réglementaire et une fabrication plus "standardisée". Ce seront des maîtres armuriers au travers de la France qui assureront la production suivant un vague cahier des charges. Les dimensions de la première baïonnette à douille furent définies dans un mémoire publié par Vauban en 1697 soit huit ans après son adoption officielle. On appelait aussi cette baïonnette "Baïonnette à coude" ou "Baïonnette angulaire".
Une réelle standardisation ne pourra pas intervenir avant que Louis XV n'envisage la création de la Manufacture Royale de Klingenthal en 1729. Cet établissement Royal spécialisé dans les armes blanches, commencera ses premières productions en 1730 et Henri Anthése en sera le premier entrepreneur. Il faudra attendre 1746 pour que la Manufacture Royale obtienne le monopole de la fabrication des baïonnettes.
Le plus ancien modèle de baïonnette à douille daté de la fin du XVIIème siècle est conservé au Musée de l'armée à l'hôtel des Invalides à Paris.
C'est une baïonnette à douille d'une longueur de 18 pouces (48 cm environ). La douille qui était munie à l'origine d'une encoche en forme de "L" destinée à verrouiller la baïonnette sur un tenon situé à l'extrémité du canon a été modifiée en forme de "Z" au début du XVIII siècle. La lame est frappée d'une fleur de lys en creux.
De l'arme "noire" à l'arme "blanche"
Il en est de la baïonnette comme des épées, des sabres, couteaux, pics, hallebardes et autres outils du même style qui, avant d'être des "armes blanches" seront des "armes noires" …
En ce XVIII siècles, la baïonnette est fabriquée en "fer" et acier. La désignation "fer" de l'époque désignait un acier doux non "trempant". La désignation "acier" désigne un métal plus riche en carbone, dur et pouvant prendre la trempe.
Cette arme est fabriquée en trois parties principales.
Il y a la lame, le plus souvent de section triangulaire en acier trempé dont les cotés peuvent être évidés.
Le manche creux en fer appelé "douille". Il s’agit au début d’un tube ajusté sur une arme ce qui ne permettait pas l’interchangeabilité d’un mousquet à l’autre car si, à l’époque, le diamètre intérieur du canon était standard il en va tout autrement pour le diamètre extérieur. Plus tard, sur cette douille est apparue la virole et sa vis.
Pour relier la lame à la douille il y a un coude en fer plus ou moins grand selon les époques et la tenue vestimentaire. Les manches des tuniques des soldats étant amples il fallait éloigner la lame du canon pour pouvoir manœuvrer la baguette lors du rechargement. Cette disposition déséquilibrant le fusil lors de l'utilisation, le coude fut raccourcit pour rapprocher la pointe de la baïonnette de l'axe du fusil.
La fabrication de la douille se fait par forgeage sur des formes appelées "étampes" avec l'aide de "mandrin". Il ne faudra pas moins de sept étampes pour donner de la régularité à la forme de la douille. Le flan initial de forme rectangulaire sera roulé un peu conique et soudé. On aura soin également de souder une queue pour la formation du coude. Un ouvrier et son compagnon peuvent faire 36 douilles par jour. Un inspecteur examinera chaque pièce une par une. Les pièces acceptées passeront entre les mains de l'aléseur (souvent de jeunes enfants) sept alésoirs seront utilisés. Chaque enfant usine généralement 100 douilles par jour. Il y aura également le limeur pour l'encoche, la virole et la vis
Pour la réalisation de la lame il faudra deux étampes : une pour l'épaulement de la lame et une pour la nervure. La lame terminée on y soudera la douille et son coude. Viendront ensuite la trempe et l'inspection et l'acceptation finale de l'arme qui est à cette étape une arme noire.
Pour obtenir le label "d'arme blanche" elle va subir sur diverses meules plates ou de forme un usinage, un aiguisage, un polissage. Après le polissage il y aura le brunissage sur une roue en bois saupoudrée de charbon suivi d'un lustrage avec une pierre "sanguine" dure.
La baïonnette terminée devra peser un peu plus d'un demi-kilogramme. Elle sera testée en souplesse et dureté avant d'obtenir son acceptation finale et être déclarée apte à accompagner un fusil qu'elle épousera pour le meilleur et surtout pour le pire.
Dan
Voici un article que j'avais écrit pour Le bulletin de l'Association Française des Collectionneurs de Baïonnettes
Son origine.
La baïonnette (ou en ancien français "bayonnette") est une arme blanche conçue pour s'adapter au canon d'un Mousquet, fusil, carabine…
Son origine est incertaine bien qu'il soit communément admis que la ville de Bayonne ne soit pas étrangère à sa première fabrication.
De nombreux historiens civils et militaires se sont penchés sur ces deux questions, toujours sans réponse : "A qu'elle époque remonte l'invention de la baïonnette ?" et "dans quel lieu fut elle inventée ?" Ils sont nombreux ceux qui recherchent la véritable origine de la baïonnette, cette arme qui deviendra l'outil indissociable du fusil. J'espère qu'au travers de cet article vous aurez envie d'apporter votre pierre à cet édifice. La rareté des documents d'époque et parfois leurs dispersions dans divers musées ou collections privées fait que les écrits modernes font souvent référence aux mêmes sources et de ce fait donnent les mêmes informations faute d'avoir des éléments nouveaux. Alors, mettons nous en chasse. Au travers de livres anciens, de revues ou journaux d'époques ou modernes, il est possible que des coins de voile se soulèvent … pour retomber peut être aussitôt.
La genèse de la baïonnette.
Certains auteurs évoquent que lors de la bataille de la Marsaille qui opposa les troupes de Nicolas de Catinat au Duc de Savoie, les soldats de Catinat manquant de munitions emmanchèrent leur couteau au bout de leur mousquet, le transformant ainsi en pic improvisé. Cette initiative leur aurait permis de remporter la grande victoire du 4 octobre 1693. Cela aurait donné naissance, aux dires certains, aux premières baïonnettes militaires, de type "bouchon". Ces nouvelles armes auraient été fabriquées à Bayonne dans cette ville qui était renommée à l'époque pour ses forges et ses fabricants de couteaux.
Sachant que les combats de la Massaille se sont déroulée dans le Piémont Italien et que nous avons un village dans les Alpes de Haute Provence actuelles, qui se nomme Bayons, il n'est pas ridicule non plus de penser que cela pourrait également venir de là…
J'aime cette hypothèse et elle figure dans mon dictionnaire Larousse de 1922 (mon plus vieux dictionnaire). Néanmoins, elle me semble impossible car anachronique. Le musé de l'armée à l'hôtel des Invalides à Paris envisage, lui, que selon ses documents d'époque, ce serait la date de 1640 qui serait la date de la première utilisation au combat et il émet une autre hypothèse : le nom pourrait provenir de "baionnier", nom que portaient des archers français experts dans le maniement d'un couteau court.
Cette première utilisation en 1640, eut probablement lieu, lorsque les soldats basques, ayant épuisé leurs munitions, à la redoute des Baïonnette, auraient triomphé des espagnols en attachant leur couteau au bout de leur fusil. (Tiens, ça a un petit goût de déjà écrit sauf que là ils sont basques ...)
Il est probable aussi que cela soit plus ancien, Au début du 19éme siècle on pouvait lire dans une tribune du sud de la France "Ce fut durant le siège que Bayonne soutint, en 1523, contre les Rois d'Angleterre et d'Aragon réunis, que les femmes de cette ville, tout en défendant courageusement ses remparts, inventèrent la baïonnette.
Mais il y a aussi le journal des Sciences Militaires qui affirme que le nom "baïonnette" existait déjà en 1578. ce serait un poignard qui, si l'on en croit cette revue militaire, aurait été utilisé par les Malais de Madagascar bien avant la France. Ces Malais auraient également donné aux troupes hollandaises coloniales le modèle de dague à fixer au canon de leur fusil…
Des historiens militaires comme le Général Marion pensaient que cela ne remontait pas avant 1641 et Le Général Gassendi dans son livre Aide-mémoire à l'usage des officiers d'artillerie de France attachés au service de terre, (1789) pensait que cela ne remontait pas avant 1671.
D'autres auteurs nous parlent du village de Bayon en Meurthe et Moselle… On peut également trouver l'origine du nom "baïonnette" dans le patois du nord ou le "baïon" est le carreau (la flèche) de l'arbalète. Cette hypothèse n'est pas plus ridicule que les autres car le carreau d'arbalète est une forte flèche dont le fut est court et trapu. Il se terminait à l'époque par un fer pyramidal à quatre pans à base carrée. La forme de la baïonnette bouchon pouvait faire penser à un carreau bien que celui-ci ne soit plus utilisé depuis l'arrivée des armes à feu. Cette proposition me fait penser à l'archer, le "Baionnier" c'est dans la même lignée…
Sans plus d'informations on ne peut qu'échafauder des hypothèses ou accepter le principe communément admis à savoir que c'est une "invention" française (j'aime à le croire) du XVIIème et qu'elle va bouleverser l'art de la guerre dans tous les pays.
Le premier modèle.
Si l'on retient l'idée que ce serait un soldat qui eu l'idée au 17ème siècle de mettre le manche de son couteau à l'intérieur du canon de son mousquet c'est probablement parce que, civil, il utilisait déjà cette technique. A la chasse au gros gibier, lorsque l'animal est blessé et qu'il est impossible de l'achever en faisant feu une seconde fois avec un fusil, à mèche ou à rouet pour les plus moderne en ce début de XVIIème siècle , l'animal est achevé on dira "servi" avec un épieu.
En absence d'épieu, il était d'usage de mettre le manche de son couteau dans le canon de son fusil le transformant ainsi en épieu pour servir l'animal blessé sans risquer de blesser ses chiens ou, de s'approcher trop prêt de l'animal blessé avec un couteau à la main. Cette pratique a donné un autre nom à la baïonnette bouchon, on disait également baïonnette à "manchon" car c'était le manche que l'on mettait dans le canon.
Évolution de la baïonnette bouchon
L'utilisation de la baïonnette à manchon ou à bouchon rendait impossible le tir et le rechargement du fusil ou mousquet. Cette situation a perduré longtemps et il faudra attendre le 21 décembre 1687, pour qu'un ingénieur militaire, Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban, propose à François Michel Le Tellier, marquis de Louvois le ministre de la guerre de Louis XIV une baïonnette «avec laquelle on ne laisserait pas de tirer et de charger comme s'il n'y en avait point». Pour ce faire, il rendra la baïonnette bouchon plus fonctionnelle en la dotant d'une douille qui enserre l'extérieur du canon du fusil. La lame sera reliée à la douille par un long coude afin que le soldat ne se blesse pas lors des manœuvres de rechargement. Désormais, il sera possible de tirer et de recharger son arme malgré sa présence au canon.
Concernant l'invention de la douille, il existe une polémique pour savoir qui de Vauban ou de Martinet à fait cette invention. Selon Voltaire ce serait le colonel Martinet inspecteur d'infanterie sous Louis XIV inventeur également du fouet à lanières introduit dans la discipline militaire qui l'a proposée le premier…
Comme on peut le constater cette modification est postérieure à la bataille Piémontaise. Cela ne remet pas en cause l'histoire de cette bataille qui fit gagner à la France le Conté de Savoie. La charge héroïque de l'infanterie française renversa à la baïonnette et sans tirer un coup de feu les troupes hispano-Savoyardes a probablement bien existé. Certes, mais une chose est sûre ce n'était pas en 1693, la première utilisation d'une baïonnette bouchon. Il est probable que les troupes de Nicolas de Catinat n'était pas encore dotées de la nouvelle baïonnette à douille, tant il est vrai que ses moyens financier et ses équipement étaient faibles.
Ce nouveau modèle suscite l'intérêt du ministre Louvois.qui, après l'avoir fait expérimenté, ordonne d'en équiper l'infanterie par une circulaire du 29 novembre 1689. Compte tenu des cadences de fabrication il faudra de longues années pour que cette nouvelle arme soit généralisée.
La bataille de FLEURUS le 1er juillet 1690 ce fut la première épreuve sur le terrain pour l’utilisation des baïonnettes à douille. Elle se termina par une victoire éclatante des armées de Louis XIV. Cependant Louis XIV, ayant remarqué la médiocre fixation des baïonnettes, refusa de les adopter pour son infanterie. A cette date 1690, en Grande Bretagne, le général Hugh Mackay, perfectionna la fixation en fendant les douilles sur toute leur longueur. Cela permettait de jouer avec l’élasticité du métal et de pouvoir faire tenir la baïonnette sur le canon quelque soit son diamètre.
Si la France est probablement à l’origine de cette arme, les diverses améliorations viennent d’ailleurs.
En France, avec l’arrivé des premiers fusils à silex (1700) l’infanterie a été dotée des premières baïonnettes réglementaires sur ordre du roi et sur les conseils de Vauban en 1703. Ce modèle est connu sous la désignation de « Surirey de Saint Remy »
En 1703 La généralisation des baïonnettes entrainera la suppression des fantassins "piquiers". Ils disparaitront avec leur longue pique de 13 pieds (4,22 m).
Il était désormais possible de tirer et de recharger baïonnette au canon. La protection des piquiers n'était plus utile et la plupart des piquiers deviendront des fusiliers qui combattront en ligne ou des grenadiers un peu plus tard.
La baïonnette à douille réglementaire était née officiellement mais il faudra attendre encore jusqu'en 1717 pour qu'elle acquière vraiment ses lettres de noblesse avec le premier fusil réglementaire et une fabrication plus "standardisée". Ce seront des maîtres armuriers au travers de la France qui assureront la production suivant un vague cahier des charges. Les dimensions de la première baïonnette à douille furent définies dans un mémoire publié par Vauban en 1697 soit huit ans après son adoption officielle. On appelait aussi cette baïonnette "Baïonnette à coude" ou "Baïonnette angulaire".
Une réelle standardisation ne pourra pas intervenir avant que Louis XV n'envisage la création de la Manufacture Royale de Klingenthal en 1729. Cet établissement Royal spécialisé dans les armes blanches, commencera ses premières productions en 1730 et Henri Anthése en sera le premier entrepreneur. Il faudra attendre 1746 pour que la Manufacture Royale obtienne le monopole de la fabrication des baïonnettes.
Le plus ancien modèle de baïonnette à douille daté de la fin du XVIIème siècle est conservé au Musée de l'armée à l'hôtel des Invalides à Paris.
C'est une baïonnette à douille d'une longueur de 18 pouces (48 cm environ). La douille qui était munie à l'origine d'une encoche en forme de "L" destinée à verrouiller la baïonnette sur un tenon situé à l'extrémité du canon a été modifiée en forme de "Z" au début du XVIII siècle. La lame est frappée d'une fleur de lys en creux.
De l'arme "noire" à l'arme "blanche"
Il en est de la baïonnette comme des épées, des sabres, couteaux, pics, hallebardes et autres outils du même style qui, avant d'être des "armes blanches" seront des "armes noires" …
En ce XVIII siècles, la baïonnette est fabriquée en "fer" et acier. La désignation "fer" de l'époque désignait un acier doux non "trempant". La désignation "acier" désigne un métal plus riche en carbone, dur et pouvant prendre la trempe.
Cette arme est fabriquée en trois parties principales.
Il y a la lame, le plus souvent de section triangulaire en acier trempé dont les cotés peuvent être évidés.
Le manche creux en fer appelé "douille". Il s’agit au début d’un tube ajusté sur une arme ce qui ne permettait pas l’interchangeabilité d’un mousquet à l’autre car si, à l’époque, le diamètre intérieur du canon était standard il en va tout autrement pour le diamètre extérieur. Plus tard, sur cette douille est apparue la virole et sa vis.
Pour relier la lame à la douille il y a un coude en fer plus ou moins grand selon les époques et la tenue vestimentaire. Les manches des tuniques des soldats étant amples il fallait éloigner la lame du canon pour pouvoir manœuvrer la baguette lors du rechargement. Cette disposition déséquilibrant le fusil lors de l'utilisation, le coude fut raccourcit pour rapprocher la pointe de la baïonnette de l'axe du fusil.
La fabrication de la douille se fait par forgeage sur des formes appelées "étampes" avec l'aide de "mandrin". Il ne faudra pas moins de sept étampes pour donner de la régularité à la forme de la douille. Le flan initial de forme rectangulaire sera roulé un peu conique et soudé. On aura soin également de souder une queue pour la formation du coude. Un ouvrier et son compagnon peuvent faire 36 douilles par jour. Un inspecteur examinera chaque pièce une par une. Les pièces acceptées passeront entre les mains de l'aléseur (souvent de jeunes enfants) sept alésoirs seront utilisés. Chaque enfant usine généralement 100 douilles par jour. Il y aura également le limeur pour l'encoche, la virole et la vis
Pour la réalisation de la lame il faudra deux étampes : une pour l'épaulement de la lame et une pour la nervure. La lame terminée on y soudera la douille et son coude. Viendront ensuite la trempe et l'inspection et l'acceptation finale de l'arme qui est à cette étape une arme noire.
Pour obtenir le label "d'arme blanche" elle va subir sur diverses meules plates ou de forme un usinage, un aiguisage, un polissage. Après le polissage il y aura le brunissage sur une roue en bois saupoudrée de charbon suivi d'un lustrage avec une pierre "sanguine" dure.
La baïonnette terminée devra peser un peu plus d'un demi-kilogramme. Elle sera testée en souplesse et dureté avant d'obtenir son acceptation finale et être déclarée apte à accompagner un fusil qu'elle épousera pour le meilleur et surtout pour le pire.
Dan
Re: NAISSANCE D'UNE BAIONNETTE MODERNE AU XVIIème
Sympa l'article, un plaisir à lire, merci m'sieur !
bbrmque- Old Timer
- Messages : 741
Date d'inscription : 04/01/2015
Age : 50
Localisation : Guadeloupe
Re: NAISSANCE D'UNE BAIONNETTE MODERNE AU XVIIème
bonjour,
très bel article , merci
cdlt,
valentin
très bel article , merci
cdlt,
valentin
montagnard25- Messages : 59
Date d'inscription : 03/01/2015
Re: NAISSANCE D'UNE BAIONNETTE MODERNE AU XVIIème
Merci à vous
Voici un petit complément d'information.
Lorsque j'écris :
"Le plus ancien modèle de baïonnette à douille daté de la fin du XVIIème siècle est conservé au Musée de l'armée à l'hôtel des Invalides à Paris.
C'est une baïonnette à douille d'une longueur de 18 pouces (48 cm environ)."
Peut être avez vous remarqué la longueur de 18 pouces je lui donne la valeur d'environ 48 cm ?
Normalement aujourd'hui, 18" font 18 X 25.4 = 45.72 cm Alors pourquoi 48 cm ?
La raison en est simple au XVIIéme siècle on utilisait encore la valeur du Pied du Roi de Charlemagne qui faisait 325 mm. Les sous multiple étaient de 1/12 de cette valeur.
1/12 de Pied du Roi nous donne 1 pouce de 27.08 mm
1/12 de pouce nous donne 1 "ligne" de 2.257 mm
1/12 de ligne nous donne 1 point de 1.188 mm
Nota l'écriture de "pouce" à l'époque était "pou"
Cdt
Dan
Voici un petit complément d'information.
Lorsque j'écris :
"Le plus ancien modèle de baïonnette à douille daté de la fin du XVIIème siècle est conservé au Musée de l'armée à l'hôtel des Invalides à Paris.
C'est une baïonnette à douille d'une longueur de 18 pouces (48 cm environ)."
Peut être avez vous remarqué la longueur de 18 pouces je lui donne la valeur d'environ 48 cm ?
Normalement aujourd'hui, 18" font 18 X 25.4 = 45.72 cm Alors pourquoi 48 cm ?
La raison en est simple au XVIIéme siècle on utilisait encore la valeur du Pied du Roi de Charlemagne qui faisait 325 mm. Les sous multiple étaient de 1/12 de cette valeur.
1/12 de Pied du Roi nous donne 1 pouce de 27.08 mm
1/12 de pouce nous donne 1 "ligne" de 2.257 mm
1/12 de ligne nous donne 1 point de 1.188 mm
Nota l'écriture de "pouce" à l'époque était "pou"
Cdt
Dan
Re: NAISSANCE D'UNE BAIONNETTE MODERNE AU XVIIème
hello
sympas cet article .
j'ai scané la définition sur mon dictionnaire universel de Maurice Lachatre (dernier quart du 19 eme siecle pour mon exemplaire )
amicalement
cro
sympas cet article .
j'ai scané la définition sur mon dictionnaire universel de Maurice Lachatre (dernier quart du 19 eme siecle pour mon exemplaire )
amicalement
cro
cromagnon 07- Old Timer
- Messages : 2600
Date d'inscription : 07/01/2015
Age : 65
Localisation : ardèche
Re: NAISSANCE D'UNE BAIONNETTE MODERNE AU XVIIème
Oui Cro, j'ai eu l'occasion de lire de nombreux articles tant militaires que civils et dans mon texte j'en ai fait la synthèse. C'est pour cela que je dis que bien qu'il soit couramment admis que la baïonnette fut fabriqué à Bayonne, car c'était les meilleurs forges de l'époque, l'origine de son nom peut provenir de nombreux endroits où elle a été utilisée y compris dans la région de Bayonne.
Tout cela ne sont bien sûr que des hypothèses mais elles avaient particulièrement éveillées l'attention des spécialistes de AFBC.
ça fait partie de mes recherches pour répondre à la question qui tourne en boucle dans ma tête : "Pourquoi". J'aime savoir et comprendre.
daniel
Tout cela ne sont bien sûr que des hypothèses mais elles avaient particulièrement éveillées l'attention des spécialistes de AFBC.
ça fait partie de mes recherches pour répondre à la question qui tourne en boucle dans ma tête : "Pourquoi". J'aime savoir et comprendre.
daniel
Re: NAISSANCE D'UNE BAIONNETTE MODERNE AU XVIIème
c'est comme la grenade , tant que de nouvelles découvertes n'auront pas lieu , le doute restera pour l'origine de la baio meme si celle ci est bien française
guillaurore- Messages : 72
Date d'inscription : 07/01/2015
Localisation : entre la france et la suisse
Re: NAISSANCE D'UNE BAIONNETTE MODERNE AU XVIIème
Bonjour
[quote="Winchester 1866"]
En 1703 La généralisation des baïonnettes entrainera la suppression des fantassins "piquiers". Ils disparaitront avec leur longue pique de 13 pieds (4,22 m).
Il était désormais possible de tirer et de recharger baïonnette au canon. La protection des piquiers n'était plus utile et la plupart des piquiers deviendront des fusiliers qui combattront en ligne ou des grenadiers un peu plus tard.
Ces élément me paraissent importants.
Sans déterminer l'origine & l'époque de l'utilisation des premières baïo, il apparait une certaine "rationalisation" en terme de personnels.
Les compagnies de mousquetaires protégées des charges de cavalerie par les piquiers rassemblaient un personnel important & à l'armement spécifique.
L'équipement d'un mousquet par une pique permet aux combattants de se protéger de ces attaques de cavalerie.
Cette angle de vue permet de mieux appréhender l'utilisation de baïonnettes très longues (montées sur des fusils très long aussi).
Sujet vaste & intéressant!
Merci de la publication de cet article!
[quote="Winchester 1866"]
En 1703 La généralisation des baïonnettes entrainera la suppression des fantassins "piquiers". Ils disparaitront avec leur longue pique de 13 pieds (4,22 m).
Il était désormais possible de tirer et de recharger baïonnette au canon. La protection des piquiers n'était plus utile et la plupart des piquiers deviendront des fusiliers qui combattront en ligne ou des grenadiers un peu plus tard.
Ces élément me paraissent importants.
Sans déterminer l'origine & l'époque de l'utilisation des premières baïo, il apparait une certaine "rationalisation" en terme de personnels.
Les compagnies de mousquetaires protégées des charges de cavalerie par les piquiers rassemblaient un personnel important & à l'armement spécifique.
L'équipement d'un mousquet par une pique permet aux combattants de se protéger de ces attaques de cavalerie.
Cette angle de vue permet de mieux appréhender l'utilisation de baïonnettes très longues (montées sur des fusils très long aussi).
Sujet vaste & intéressant!
Merci de la publication de cet article!
Pâtre- Messages : 1449
Date d'inscription : 08/01/2015
Re: NAISSANCE D'UNE BAIONNETTE MODERNE AU XVIIème
Une dernière information intéressante sur l'origine controversée du mot Bayonnette (Baïonnette)
On peut lire dans le Dictionnaire des Armées de terre et de mer de Chasnel de 1862 :
« Le mot baïonnette ne vient pas de Bayonne, mais bien du mot roman ‘’bayoneta’’, petite gaine » ...
A suivre
On peut lire dans le Dictionnaire des Armées de terre et de mer de Chasnel de 1862 :
« Le mot baïonnette ne vient pas de Bayonne, mais bien du mot roman ‘’bayoneta’’, petite gaine » ...
A suivre
Sujets similaires
» Quelle Baïonnette ?
» Prise en main de certaines épées européennes XVIIeme/XVIIIeme ?
» Naissance de l'artillerie moderne
» Réplique moderne Colt SAA, que choisir ?
» une baïonnette US
» Prise en main de certaines épées européennes XVIIeme/XVIIIeme ?
» Naissance de l'artillerie moderne
» Réplique moderne Colt SAA, que choisir ?
» une baïonnette US
Les armes du Paléolithique aux Années Folles :: Du Paléolithique à 1830 :: Les armes blanches et de jet
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Hier à 21:41 par Can
» Couteau papillon de Poilu
Hier à 15:32 par Jeppesen
» Arme à rouet: existe t'il des répliques ?
Hier à 15:29 par Jeppesen
» Suite de mes armes à vendre; cat C
Sam 23 Nov - 8:45 par CLOSDELIF
» Salut tout le monde
Ven 22 Nov - 8:21 par vidocq80
» Joyeux anniv' à tadayoshi
Ven 22 Nov - 2:06 par bbrmque
» Anniversaire Jeanghis !
Jeu 21 Nov - 19:08 par jean santos
» Fusil à percussion Lefaucheux converti en fusil à broche, fabriqué en 1835
Mer 20 Nov - 20:10 par cromagnon 07
» Un 7 mm Lefaucheux pas comme les autres
Mer 20 Nov - 20:01 par cromagnon 07