Un sabre de sous officier d'Infanterie à garde tournante
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Les armes du Paléolithique aux Années Folles :: Du Paléolithique à 1830 :: Les armes blanches et de jet
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Un sabre de sous officier d'Infanterie à garde tournante
Bonjour à toute la bande.
Je profite de la fraîcheur de cette journée sarthoise (25° et petite brise) pour vous proposer ce sympathique modèle de Sabre de Sous-Officier d'Infanterie aux tout débuts de la Révolution, probablement fin 1789.
Ce modèle de petit sabre (500 grammes et 80 cm de long) va longtemps orner les baudriers de nos sous-officiers, y compris jusqu'à la restauration.
Ce sabre entre dans la catégorie des "Sabres à Garde Tournante".
Bref.
La couleur est revenue, on en profite pour mirer - et même admirer - les formes et la beauté de l'arme :
Vous avez remarqué ? Y'a pas des trucs d'écrit sur la lame ?
Ben, on va regarder ça de plus près :
La typographie est un peu wouli-wouli, mais on lit distinctement ce slogan : VIVE LE ROŸ VIVE LA NATION. Rien que ça.
Au passage, notons le tréma sur le Y du Roi. Peut-être que ça fait un peu plus roi d'y coller un tréma ?
Bougez pas, il y a une face B :
Même typo des années yé-yé, c'est un poil moins évident à lire. Nouveau slogan : VIVE LA GARDE NATIONALE.
Ces slogans nous ramènent aux tout débuts de la Révolution Française, lorsque le roi a eu la (mauvaise) idée de réunir les États Généraux. Prise de la Bastille, abolition des privilèges, déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et surtout cohésion populaire autour de l'idée de Nation unie au Roi dans une future monarchie parlementaire. Tout ça de devait pas durer, et allait vite se terminer en jus de guillotine.
Ce petit sabre pour sous-officier d'Infanterie est caractéristique de cette assez courte période ou l'on peut encore écrie le mot ROI à côté du mot NATION. De nos jours, c'est les deux mots qui semblent être devenus vilains ...
Le talon de la lame porte une signature, que dis-je ? une Raison Sociale ! :
C'est pas coton à déchiffrer, mais on arrive à deviner qu'il s'agit de l'Établissement "VEUVE GOZE & FILS MAÎTRES FOURBISSEURS À METZ". Ces braves artisans sont les héritiers d'un certain Maître Goze. Il existe d'autres lames portant ces noms.
Maintenant qu'on en a fini des diverses lectures, passons à l'aspect technique de ce sabre.
Bon, la lame, c'est une lame. C'est pointu et vaguement coupant. Une lame.
Elle est en fer forgé, courbe, à un pan creux des deux côtés. La lame n'a aucun jeu. Elle ne porte aucun poinçon de contrôleur, comme de toutes façons l'Armée s'en foutait complètement en 89, on fera comme si.
La lame mesure 67,3 cm de long, elle est large au fort de 2,7 cm, ce qui est plutôt faible. Assez courbe : flèche de 2 cm.
Par contre, bien épaisse avec 0,8 cm au talon. Chez Goze, on forge épais, voila.
L'ensemble poignée-garde est la partie sympa de la chose.
La poignée est en bois enroulé d'une ficelle, recouverte de basane noire et filigranée d'une torsade de fils de laiton entouré de deux autres fils simples.
Très joli.
Ici, les dernières spires sont détendues et on note que des vrillettes ont élu domicile dans ce beau petit nid. L'ensemble reste solide, tout est traité depuis longtemps.
La calotte, sertie par rivetage sur la soie de la lame, bloque la poignée et donne un axe de rotation à la branche mobile. Sa longue queue enserre le dos du filigrane et vient se fixer par une brasure sur un anneau placé au bas de la poignée
On remarque sur le profil que la fameuse "garde tournante" est ici repliée sur l'arc de jointure principal (et surtout fixe).
Les branches de garde et le plateau sont visiblement découpés dans une feuille de laiton de 2,5 mm d'épaisseur.
Côté décor, c'est plutôt basique. Les bords des deux branches de garde et du plateau sont ajourés, les bords sont festonnés par une découpe ondulée. La minuscule queue de garde est décorée de 5 traits fins. Elle est très légèrement pliée vers le bas.
Vu de dessous, on voit mieux le système rotatif de la branche de garde mobile, ici en position pliée. Notez le petit trou rond sous la branche mobile, on va en reparler :
Mais, quelle est cette pièce en fer clouée sous le plateau de garde ?
Déplions la branche de garde mobile ... et la voila à 90° et qui vient se verrouiller grâce à cette lame en fer.
Cette lame est en réalité un ressort plat qui porte un doigt qui vient se placer dans ce trou qu'on vient de voir sous la garde tournante :
Cette photo montre la garde repliée, et on y voit bien le bouton rond en fer qui permet de déverrouiller la fameuse garde lorsqu'elle est dépliée, en abaissant le ressort et son doigt de blocage :
Ce système est très discret et complètement invisible vu de l'extérieur :
Ces petits sabres furent attribués aux cadres sous-officiers de l'Armée encore et provisoirement royale, armes très légères et fort peu faites pour l'escrime. Mais l'essentiel n'était pas la, c'était surtout le signe de la fonction qui était important.
Puisqu'on parle de fonction, il faut rappeler le rôle premier des sous-officiers dans l'Infanterie.
Apparus à la fin de la guerre de Cent Ans, les "serre-gens" étaient chargés du bon ordre des soldats, condition d'une action collective efficace.
Au XVIIe siècle avec l'apparition des fusiliers, les sergents ont toujours la tâche de veiller au bon alignement de leurs hommes, aidés en cela par les tambours qui donnent la cadence de la marche.
Les officiers donnent la direction (de marche, de tir, d'assaut) et les sous officiers veillent à la cohésion de la formation qui doit toujours rester alignée face à l'ennemi afin de délivrer un feu roulant par salves. C'est au niveau du feu que les sous-officiers sont irremplaçables, car ce sont eux qui, de la lame de leur épée, lèvent ou baissent les canons des fusils en fonction de la portée désirée, les hommes étant drillés à agir à l'imitation.
Cet petit sabre n'a manifestement pas beaucoup croisé le fer. Tant mieux.
Mais il a certainement permis de régler le tir de sa compagnie de fusiliers ou de grenadiers, là ou un anonyme sergent a fait son devoir.
Merci à lui et à son sabre pour Valmy et Jemmapes en 92, pour Fleurus en 94 et - pourquoi pas ? - le Texel en 95 (C'était des Hussards, mais on ne me fera pas croire qu'aucun fantassin n'était là).
À bientôt !
Restez à l'ombre et buvez frais !
Je profite de la fraîcheur de cette journée sarthoise (25° et petite brise) pour vous proposer ce sympathique modèle de Sabre de Sous-Officier d'Infanterie aux tout débuts de la Révolution, probablement fin 1789.
Ce modèle de petit sabre (500 grammes et 80 cm de long) va longtemps orner les baudriers de nos sous-officiers, y compris jusqu'à la restauration.
Ce sabre entre dans la catégorie des "Sabres à Garde Tournante".
Bref.
La couleur est revenue, on en profite pour mirer - et même admirer - les formes et la beauté de l'arme :
Vous avez remarqué ? Y'a pas des trucs d'écrit sur la lame ?
Ben, on va regarder ça de plus près :
La typographie est un peu wouli-wouli, mais on lit distinctement ce slogan : VIVE LE ROŸ VIVE LA NATION. Rien que ça.
Au passage, notons le tréma sur le Y du Roi. Peut-être que ça fait un peu plus roi d'y coller un tréma ?
Bougez pas, il y a une face B :
Même typo des années yé-yé, c'est un poil moins évident à lire. Nouveau slogan : VIVE LA GARDE NATIONALE.
Ces slogans nous ramènent aux tout débuts de la Révolution Française, lorsque le roi a eu la (mauvaise) idée de réunir les États Généraux. Prise de la Bastille, abolition des privilèges, déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et surtout cohésion populaire autour de l'idée de Nation unie au Roi dans une future monarchie parlementaire. Tout ça de devait pas durer, et allait vite se terminer en jus de guillotine.
Ce petit sabre pour sous-officier d'Infanterie est caractéristique de cette assez courte période ou l'on peut encore écrie le mot ROI à côté du mot NATION. De nos jours, c'est les deux mots qui semblent être devenus vilains ...
Le talon de la lame porte une signature, que dis-je ? une Raison Sociale ! :
C'est pas coton à déchiffrer, mais on arrive à deviner qu'il s'agit de l'Établissement "VEUVE GOZE & FILS MAÎTRES FOURBISSEURS À METZ". Ces braves artisans sont les héritiers d'un certain Maître Goze. Il existe d'autres lames portant ces noms.
Maintenant qu'on en a fini des diverses lectures, passons à l'aspect technique de ce sabre.
Bon, la lame, c'est une lame. C'est pointu et vaguement coupant. Une lame.
Elle est en fer forgé, courbe, à un pan creux des deux côtés. La lame n'a aucun jeu. Elle ne porte aucun poinçon de contrôleur, comme de toutes façons l'Armée s'en foutait complètement en 89, on fera comme si.
La lame mesure 67,3 cm de long, elle est large au fort de 2,7 cm, ce qui est plutôt faible. Assez courbe : flèche de 2 cm.
Par contre, bien épaisse avec 0,8 cm au talon. Chez Goze, on forge épais, voila.
L'ensemble poignée-garde est la partie sympa de la chose.
La poignée est en bois enroulé d'une ficelle, recouverte de basane noire et filigranée d'une torsade de fils de laiton entouré de deux autres fils simples.
Très joli.
Ici, les dernières spires sont détendues et on note que des vrillettes ont élu domicile dans ce beau petit nid. L'ensemble reste solide, tout est traité depuis longtemps.
La calotte, sertie par rivetage sur la soie de la lame, bloque la poignée et donne un axe de rotation à la branche mobile. Sa longue queue enserre le dos du filigrane et vient se fixer par une brasure sur un anneau placé au bas de la poignée
On remarque sur le profil que la fameuse "garde tournante" est ici repliée sur l'arc de jointure principal (et surtout fixe).
Les branches de garde et le plateau sont visiblement découpés dans une feuille de laiton de 2,5 mm d'épaisseur.
Côté décor, c'est plutôt basique. Les bords des deux branches de garde et du plateau sont ajourés, les bords sont festonnés par une découpe ondulée. La minuscule queue de garde est décorée de 5 traits fins. Elle est très légèrement pliée vers le bas.
Vu de dessous, on voit mieux le système rotatif de la branche de garde mobile, ici en position pliée. Notez le petit trou rond sous la branche mobile, on va en reparler :
Mais, quelle est cette pièce en fer clouée sous le plateau de garde ?
Déplions la branche de garde mobile ... et la voila à 90° et qui vient se verrouiller grâce à cette lame en fer.
Cette lame est en réalité un ressort plat qui porte un doigt qui vient se placer dans ce trou qu'on vient de voir sous la garde tournante :
Cette photo montre la garde repliée, et on y voit bien le bouton rond en fer qui permet de déverrouiller la fameuse garde lorsqu'elle est dépliée, en abaissant le ressort et son doigt de blocage :
Ce système est très discret et complètement invisible vu de l'extérieur :
Ces petits sabres furent attribués aux cadres sous-officiers de l'Armée encore et provisoirement royale, armes très légères et fort peu faites pour l'escrime. Mais l'essentiel n'était pas la, c'était surtout le signe de la fonction qui était important.
Puisqu'on parle de fonction, il faut rappeler le rôle premier des sous-officiers dans l'Infanterie.
Apparus à la fin de la guerre de Cent Ans, les "serre-gens" étaient chargés du bon ordre des soldats, condition d'une action collective efficace.
Au XVIIe siècle avec l'apparition des fusiliers, les sergents ont toujours la tâche de veiller au bon alignement de leurs hommes, aidés en cela par les tambours qui donnent la cadence de la marche.
Les officiers donnent la direction (de marche, de tir, d'assaut) et les sous officiers veillent à la cohésion de la formation qui doit toujours rester alignée face à l'ennemi afin de délivrer un feu roulant par salves. C'est au niveau du feu que les sous-officiers sont irremplaçables, car ce sont eux qui, de la lame de leur épée, lèvent ou baissent les canons des fusils en fonction de la portée désirée, les hommes étant drillés à agir à l'imitation.
Cet petit sabre n'a manifestement pas beaucoup croisé le fer. Tant mieux.
Mais il a certainement permis de régler le tir de sa compagnie de fusiliers ou de grenadiers, là ou un anonyme sergent a fait son devoir.
Merci à lui et à son sabre pour Valmy et Jemmapes en 92, pour Fleurus en 94 et - pourquoi pas ? - le Texel en 95 (C'était des Hussards, mais on ne me fera pas croire qu'aucun fantassin n'était là).
À bientôt !
Restez à l'ombre et buvez frais !
Dernière édition par St Etienne le Ven 15 Juil - 20:33, édité 2 fois
St Etienne- Messages : 630
Date d'inscription : 03/12/2017
Localisation : Paris - Pays de Loire
Re: Un sabre de sous officier d'Infanterie à garde tournante
Magnifique!
J'ai enfin compris comment fonctionnait une garde tournante!!!!
J'ai enfin compris comment fonctionnait une garde tournante!!!!
Non nobis Domine, non nobis, sed Nomini Tuo da Gloriam.
CLOSDELIF- Administrateur
- Messages : 9129
Date d'inscription : 07/01/2015
Age : 72
Localisation : Tarn
Re: Un sabre de sous officier d'Infanterie à garde tournante
Moi aussi j'ai enfin compris comment fonctionnait une garde tournante!!!!
NAPOLEON 1- Messages : 175
Date d'inscription : 04/01/2018
Age : 74
Localisation : SOUCHEZ PRES D ARRAS 62
Re: Un sabre de sous officier d'Infanterie à garde tournante
Superbe.
Belle prise.
Ca donne envie, une fois de plus
Belle prise.
Ca donne envie, une fois de plus
TALLYHOO, TALLYHOO !
Jeppesen- Messages : 2831
Date d'inscription : 11/09/2017
Age : 75
Localisation : Haut de Seine (92)
Re: Un sabre de sous officier d'Infanterie à garde tournante
Ben jusque alors je n'savais même pas que çà existait
Bravo à St Etienne pour ce texte et explications ainsi qu'aux magnifiques photos
Bravo à St Etienne pour ce texte et explications ainsi qu'aux magnifiques photos
Vidocq80
vidocq80- Old Timer
- Messages : 3750
Date d'inscription : 20/01/2015
Age : 70
Localisation : HALLENCOURT 80
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