Un fusil pour le Royaume de Piémont-Sardaigne

Bonsoir les amis, me voici de retour avec une arme peu banale.

Voici ce que j’ai d’abord pris pour un bon vieux fusil de Voltigeur Modèle 1842 bien Français :



Et, de fait … posé à côté d'un bon Fusil Mle 1842, on remarque quand même un air de famille :



Renseignements pris auprès de notre artilleur de montagne préféré, l’arme est VRAIMENT intéressante.
Et à plus d’un titre comme nous allons le découvrir.

Bien entendu, je vous propose une visite détaillée.

C’est par ici :

Sur ce portrait de gauche, immédiatement, l’œil est attiré par une bizarrerie :



Vous ne voyez pas ?

Alors je vais vous aider : la rosette de contre platine vous convient … ?
Pas à moi. Sur tous nos fusils depuis le modèle 1840, la rosette est de forme triangulaire :



Poursuivons la visite.

La partie droite de l’arme nous montre une queue de détente bizarre. Pour le reste, tout semble conforme :



Voici la détente d’un fusil Mle 1842 :



Nous allons creuser dans cette direction.
Pour ce faire, retirons la platine pour examiner les entrailles du fusil :



Observez attentivement, sous l'empreinte de la platine et en bas, on voit nettement les bouts de deux tiges en fer. Ce sont les goupilles de la queue de détente et du battant de bretelle. Ces goupilles, relativement fines, traversent directement la monture.

Intérieurement, ce fusil est monté exactement comme un fusil Mle 1822 ou un An IX !

Pour rappel, dès le modèle 1840, la queue de détente de nos fusils est articulée par une vis servant d'axe et montée sur deux flasques soudés à demeure sous la sous-garde. On notera que la goupille de retenue du battant et du pontet est épaisse, qu'elle est conique et comporte une tête limitant sa course. Cette goupille est bloquée par la rosette :




Mais caisse donk qu’est-ce donc ?

C’est la platine qui nous renseigne, du moins sur l’origine du fusil :



C’est la signature des Sieurs Paliard et Vialetton Frères, armuriers installés à St Etienne, fabricants d’armes civiles et militaires entre 1845 et 1855. Ce fusil est de fabrication française.

Enfin, la crosse porte à droite cette très belle estampille ronde :



Nous y voyons les armes du Royaume de Piémont-Sardaigne : la couronne royale et La Croix Savoyarde ainsi que le millésime 1849.

Ce fusil a été reçu par l’armée piémontaise en 1849.

Poursuivons la visite.

Le tonnerre, la queue de culasse et le cran de mire. Pas de marquage de modèle, le cran de mire anguleux est celui des fusils 1840 ou 1842. Le canon à pans courts également :



La masselotte et le pan droit du tonnerre. Les initiales PV pour Paliard et Vialetton :



Parmi les rares marquages sur le canon, ces deux poinçons apposés sur le pan gauche du tonnerre.
Un cartouche ovale portant un M majuscule entouré des lettres U, A et T.
Et un poinçon assez peu appuyé, peut-être une aigle couronnée, ailes et pattes écartées ... ? Un poinçon de contrôle Piémontais ?



La rosette de contre-platine démontée montrant le bout de la goupille de retenue du battant et du pontet :



La grenadière porte le battant de bretelle, son ressort à épaulement. Un ensemble quasiment inchangé depuis le système An IX et qui durera jusqu'au fusil 1874 Gras :



L'embouchoir, le tenon de baïonnette, le guidon et la baguette. Celle-ci se termine "en poire" comme pour toutes les armes 1822, 1840 et 1842 lisses. D'ailleurs, le canon de cette arme est lisse, le fusil tire une balle ronde de 17,2 mm.



La crosse et le macaron piémontais. Un joli veinage dans le noyer de cette pièce :



L'intérieur de la platine. Celle-ci est une platine Modèle 1840 tout à fait banale, mis à part l'absence de tout marquage de millésime et des différents poinçons d'atelier et de contrôle :



Pour finir, voici les mensurations :



Maintenant que nous avons fait meilleure connaissance avec ce fusil, que peut-on en retenir ?

Qu'il ressemble à un fusil réglementaire français modèle 1842 sans en avoir le mécanisme de détente.
Le fusil est plutôt archaïque à cet égard et sa conformation devait le rendre assez fragile au niveau de la poignée.
Il s'agit probablement d'une question de coût ...

Pour le reste, il est conforme aux meilleures armes d'infanterie alors en service :
- lisse et tirant une balle ronde
- à percussion d'amorce à ailettes sur cheminée de guerre
- pouvant recevoir une baïonnette à douille type 1822
- équipé d'une bretelle

Il semble que le royaume de Piémont-Sardaigne ait développé une armée équipée très tôt par la France, et ce près de 18 ans avant que l'Empereur Napoléon III ne s'en soit rapproché pour favoriser l'unité italienne et surtout pour que la France reprenne sa place en Europe. Et obtienne le rattachement de la Savoie et de Nice en 1859.

Il doit exister des traces des différentes livraisons d'armes vers l'Italie.

En conclusion, c'est un fusil de belle allure, complet, bien marqué, mais surtout un humble et précieux témoin de l'Histoire.

À bientôt !

Une présentation de qualité, comme d'habitude...Merci à toi.

Toujours un plaisir de te lire et d'apprendre (vu que les armes de cette période me sont pour ainsi dire inconnues...)

En vieux collectionneur d'armes Italiennes et surtout Piémontaises , je te félicite , belle présentation ,,, comme Dab !