Le Fusil d'Infanterie Modèle 1886 Lebel

Chers amis de paléo, c'est le 11 novembre 2023, c'est donc bien le bon jour pour en parler !

J'ai enfin pu mettre la main sur un Lebel !

Ça faisait longtemps que j'en voulais un, mais soit pas les moyens, soit pas le moment, soit ... pas de Lebel potable !

Voici le fusil :



J'ai eu la chance qu'un tireur de mon club, un ancien qui est en train de se rendre compte que ses enfants et ses petits-enfants se foutent copieusement de sa passion. Et qui donc cherche à transmettre progressivement sa collection autour de lui.

Et j'ai eu le plaisir de recueillir ce fusil, et pour une somme toute douce en prime.

Comme on le voit, le fusil est resté beau, le bronzage est assez atténué au niveau du boîtier mais bien conservé sur le canon. La monture en noyer est nickel, juste quelques gnons et griffures, mais c'est solide.
La mécanique n'a pas pris une ride, vu que tout baignait dans une bonne graisse : auget, détente, interrupteur de répétition, culasse et tête mobile. Le canon est bien rayé et sans accident, mais comme souvent présentant un peu d'usure.
Tout est fonctionnel et opérationnel. Et en excellent état.

Allez, on va découvrir tout ça de plus près en insistant sur les différents marquages (vous me connaissez !).

Pour commencer, j'ai vite constaté que les bois étaient noircis de crasse.
Il fallait donc démonter les deux parties de la monture pour la nettoyer.
C'est pas simple quand on ne connaît pas le fusil.
Il faut se bricoler des têtes de tournevis à ergots adaptées à plusieurs vis de différentes dimensions.
Les chasse-goupilles sont indispensables pour sortir les ressorts des garnitures ainsi que l'axe de retenue de la tête de magasin.
Les "outils" (de rebut) ne sont pas très ... joli-joli, mais ils ont fait leur job :


Voici la monture démontée, après lessivage et passages à l'acide oxalique.
En particulier, on ne voyait pas que les bois étaient tigrés :


Après remontage sur des bois nettoyés :

La crosse :




La monture et son étonnant effet tigré :



La plaque de couche, de forme standard retenue par deux grosses vis à bois.
Normalement, elle reçoit le numéro du corps d'affectation de l'arme. Mais pas toujours ...


Le matricule 93229 de la crosse est mieux lisible :


Sous le boîtier également, même si le marquage du bois a plus souffert, on peut encore voir que c'est au numéro 93229.
Juste les lettres index F et P sous le boîtier ne semblent pas reproduites sur les bois (H ?) :


Il faut avouer que la typographie des lettres index est particulièrement difficile à lire ...

Le canon démonté permet de lire les marquages cachés.
Sous le tonnerre, deux poinçons E et deux marques des contrôleurs en charge des deux épreuves.
L'une s'assure du bon assemblage du canon sur le boîtier, l'autre est l'épreuve de résistance au tir d'une cartouche spéciale.
Le chiffre 12 permet de savoir qu'elles ont eu lieu en décembre de l'année de fabrication.
Enfin le traditionnel coup de burin lors de l'assemblage du canon sur le boîtier :


Il est intéressant de noter que, depuis (au moins) 1840, sur TOUS nos fusils réglementaires, les poinçons d'épreuve du canon sont toujours apposées au même endroit, et toujours dans l'ordre : poinçon du contrôleur/poinçon E/n° du mois de l'épreuve !

Les marquages apposé à gauche du tonnerre.
Les initiales FV du fournisseur de l'acier du canon, puis les poinçons du Directeur de la manufacture R et du Contrôleur Principal de l'arme C                                                                     .
en dessous, le matricule 93229 et sa lettre index H cursive, identique à celle de la crosse :


De l'autre côté du tonnerre.
Les initiales MA pour Manufacture d'Armes, l'initiale S pour St Etienne et l'année de fabrication du fusil 1888 :


La face gauche du boîtier porte le nom de la manufacture d'origine du fusil sous la forme :


et le modèle du fusil : Mle 1886 M93

Malheureusement, ces inscriptions sont assez peu appuyées ... et, avec le temps, deviennent difficiles à lire.


Le boîtier vu de droite culasse fermée et verrouillée. C'est vraiment une belle arme.
Devant le pontet, on voit le bouton quadrillé du levier d'enrayage de répétition - ici en position répétition - donnant la possibilité (!) au soldat de pratiquer le tir au coup par coup, comme sur un fusil Gras.
Ce genre d'accessoire était assez à la mode dans les années 80, en un temps où nos généraux redoutaient le tir "rapide" virtuellement gaspilleur de munitions ... :


Vue de la culasse fermée, chien à l'abattu. Le verrouillage est assuré par deux tenons opposés portés par la tête mobile.
On note que le matricule H 93229 est répété sur le massif du levier de manœuvre :


La culasse ouverte sur l'auget. On voit bien la vis assurant la tête mobile sur le corps de culasse.
L'excellent état intérieur est bien visible :


Sous le boîtier, le pontet, lui aussi retenu par une f...tue vis à ergots !.


Sur le haut du boîtier et du tonnerre, on note deux poinçons N.
Ils ont été frappés à partir de 1932 suite à l'adoption de la cartouche de 8 mm Modèle 1932 N. Cette cartouche développée pour les mitrailleuses, était aussi distribuée à l'infanterie.
Sur le fusil 1886 M93, la modification porte sur la chambre et le ressort de percussion.


La hausse est fixée au canon par brasure et, lors la modification de 1893, fixation renforcée par deux griffes entourant le canon.

Vue de dessus, planchette abaissée, curseur à la position 4. Le cran de mire est donc à la hausse de 400 mètres :


Vue de gauche, les crans marquant les différentes positions et les indications de distances en hectomètres 4, 5, 6, 7 et 8.
Ici, la planchette est basculée sur l'avant, dévoilant un cran de mire à la hausse de 250 mètres.
Les griffes sont bien mises en évidence :


Vue de dessus, planchette basculée sur l'avant, montrant
- les échelles de distances de 900 à 2400 mètres par paliers de 100 mètres, les distances de 1000 à 2400 sur l'échelle gauche et de 900 à 2300 à droite.
- le curseur mobile portant son cran de mire.
- Le cran de mire à la hausse de combat de 250 mètres


N'oublions pas le principal : le canon.
Voici une vue des rayures, usées mais toujours bien saillantes :


Enfin, avant de terminer, comment ne pas évoquer sa "lame sœur", Rosalie, sa compagne :


La baïonnette modèle 1886 au fourreau, normalement bronzé noir.
C'est une pièce précoce qui possède encore son quillon recourbé en crochet. Il sera supprimé en 1916 :


La lame est une aiguille à quatre arêtes, longue de 52 cm.
Telle que, elle ne pouvait servir qu'à planter. Une lame plate aurait au moins permis de couper le bois ou le saucisson ... !


La poignée est en maillechort blanchâtre. On voit bien le poussoir de verrouillage :


C'est une baïonnette à soie courte si on en croit cette vue du pommeau plat :


Rosalie s'attache très fort au canon, ça ne bouge absolument pas :


Cette vue permet de comprendre l'expression "canne à pêche" :


Enfin, pour terminer cette courte visite, voici les dimensions principales du fusil :




Le fusil Lebel est un incontournable pour toute collection d'armes réglementaires françaises du XIXe siècle.
Il fait le lien avec le XXe siècle et les armes qui vont lui succéder : mousquetons et fusils Berthier, fusils Mas 36 et 49/56.
Et en plus, il est très beau.

Mais surtout, cette arme est chargée du souvenir des combats de la Grande Guerre.
Tous les Français ont entendu son nom, et encore nombreux ceux qui ont toujours chez eux une Rosalie ou une paire de vieilles cartouches Lebel.

Sa silhouette est parfaitement cohérente avec celles des armes qui l'ont précédée depuis les fusils modèle 1840.
Un fusil français se reconnaît de loin.

Quand à moi, il ne me reste plus qu'à apprivoiser l'arme, sa munition et son rechargement en vue de l'emmener au pas de tir à 100 et 200 mètres.
C'est à dire trouver un bon jeu d'outils, des étuis et des ogives, mais aussi les tables de rechargement.

D'ici-là ...

à bientôt les amis !

Magnifique présentation et magnifique arme ! Moi aussi il faudra que je m'en trouve un car c'est un monument de notre histoire

Merci pour la présentation, et c'est une bonne pioche, il est en très bon état, ce qui n'est plus si courant...

Tant pis pour les petits enfants du précédent propriétaire, au moins il est en de bonnes mains . Merci St Etienne et bravo pour cette belle arme. Il est dans un état superbe mis en valeur par de belles photos.

Sous le boîtier je lirais T R 93229 .

Tien je vais aller me regarder Un long dimanche de fiançalles histoir de voir des Lebels au cinéma

Pareil, j'ai récupéré un '86-93 d'un "ancien" qui "ventilait" ses armes.
C'est quelqu'un d'autre qui devait le prendre. Mais à chaque fois qu'il apportait le fusil, l'autre ne venait pas....
A tout hasard, la 3ème ou 4ème fois, je suis venu avec les 500€. Et suis repartit avec. (le Lebel! pas les sous! )
L'est pas prêt de quitter mon armoire, çui là!
C'était en 2012, ou 13. Il est passé de 1ère catégorie à C.

L'arme est d'un élégance certaine.
Mécaniquement assez fiable. A l'époque, une pointure technique.
... Mais rapidement dépassée!
L'adoption trop rapide (pour le 1er Mai) de la munition & du fusil a fait adopter des solutions qui auraient sûrement été écartées sans cette pression.
On aurait certainement eu un fusil à magasin vertical, au lieu de tubulaire. Très probablement du type Mannlicher (du coup, le Berthier n'aurait pas existé! Ce qui n’empêche qu'un "Lebel-Berthier", format mousqueton-carabine aurait été adopté pas longtemps après. ).

On peut penser aussi que la munition aurait été différente. 8mm? Moins? Étui à gorge? Forme d'étui plus "droit"?
Invention de fusils automatiques & de mitrailleuses simplifié ?

Ne boudons pas notre plaisir!
Profitons de cohabiter pendant un moment avec cette pièce d’histoire.

Je m'associe aux participants de ce post n'ayant plus d'argument pour qualifier ce Lebel exceptionnel, félicitations !!!
Au stand les résultats sont excellents à 100 m (nous n'avons pas plus !)

Merci les amis !
Merci pour votre participation et vos retours.  

vidocq80 a écrit:Je m'associe aux participants de ce post n'ayant plus d'argument pour qualifier ce Lebel exceptionnel, félicitations !!!
Au stand les résultats sont excellents à 100 m (nous n'avons pas plus !)

Merci à toi, Jean-Paul, j'attendais ton retour avec impatience, sachant que tu as magnifiquement restauré la même arme.

Comme tu utilises le fusil à 100 m, pourrais-tu nous donner tes éléments de rechargement :
- étuis
- projectile
- poudre et dose
- jeu d'outils

Enfin, tu as mis une photo de chez NB ???

Tu as donc mis ton fusil en vente ?    

À bientôt.

St Etienne a écrit:Merci les amis !
Merci pour votre participation et vos retours.  

vidocq80 a écrit:Je m'associe aux participants de ce post n'ayant plus d'argument pour qualifier ce Lebel exceptionnel, félicitations !!!
Au stand les résultats sont excellents à 100 m (nous n'avons pas plus !)

Merci à toi, Jean-Paul, j'attendais ton retour avec impatience, sachant que tu as magnifiquement restauré la même arme.

Comme tu utilises le fusil à 100 m, pourrais-tu nous donner tes éléments de rechargement :
- étuis
- projectile
- poudre et dose
- jeu d'outils

Enfin, tu as mis une photo de chez NB ???

Tu as donc mis ton fusil en vente ?    

À bientôt.

Que neni, je suis un vieux aussi, mais j'ai la descendance qui elle est intéressée !!! c'est le dernier que j'ai acheté il y a 2 ou trois ans ! C'est un fusil des supplétifs Algériens il est aussi en super état, mais re bronzé noir de guerre !!!!

Pour le rechargement :
-étui PPU
- poudre tubal 5000 charge mini 2.70 grammes - maxi 3,10
perso je n'ai jamais été au-dessus de 2.80 grammes et les résultats sont corrects
- Pour les ogives, j'ai eu l'occasion d'acheter 2 lots d'ogives de récup et d'origine pour pas trop cher à un gars dans l'Est.
elles ne sont pas très belles mais fonctionnent bien .
- Pour le jeu d'outil je me suis procuré la boîte Lee qui fonctionne très bien.

et pour la longueur des cartouches je me suis procuré une cartouche d'origine en bon état et j'ai réglé pareil.

Voilà au tir c'est un peu viril mais de bonnes sensations ! Tu vas te régaler .....

vidocq80 a écrit:Pour le rechargement :
-étui PPU
.....

Le soucis avec les étuis PPU, c'est qu'ils ont leur dimensions à eux! (qu'il ont déposés CIP....).
Et qu'en plus, la chambre du '86-93 est "assez généreuse"!

Donc, soucis de feuillure, de centrage de l'étui. Ce qui restreint la "durée de vie des étuis", & entraîne des risques de rupture de culot.

Problématique qui a sa solution!  
=> on installe, lors du premier tir d'un étui neuf (ou cartouche manufacturée) un joint caoutchouc autour de l'étui, au niveau du bourrelet.
Ca va assurer une feuillure correcte, le culot étant maintenus contre la cuvette de tir. Et un centrage de l'étui plus optimal.
Lors du départ du coup, l'étui va se dilater aux dimensions de la chambre.
Les rechargements ultérieurs nécessiteront uniquement un recalibrage du collet.
Les étuis "travailleront" très peu, & auront une durée d'utilisation optimale ( & les PPU sont plutôt pas mal, à ce niveau).

Les balles sont de fort diamètre (.327). Les Américains ont tendance à tirer du 8mm courant (.324). Avec un risque d'effet chalumeau sur les rayures....
Si la balle d'origine est cylindro-hémisphérique, elle est par la suite devenue cylindro-ogivale.
De même, à l'origine monolithique (laiton), elle a par la suite été en plomb chemisé.
Les balles actuellement commercialisés sont de profil cylindro-ogival. Il existe un fabricant Français (Comtois!) qui réalise des balles monolithiques adaptées à ce calibre. Sinon, PPU est le plus aisé d'accès.

En poudre la TU5000 va bien. La TU7000 est utilisée aussi (moins sympa pour le canon). La Vitatuori N140 est utilisée aussi.

on installe, lors du premier tir d'un étui neuf (ou cartouche manufacturée) un joint caoutchouc autour de l'étui, au niveau du bourrelet.
Ca va assurer une feuillure correcte, le culot étant maintenus contre la cuvette de tir. Et un centrage de l'étui plus optimal.

Un ami au stand a mis un élastique à confiture, et çà marche bien !

Jeppesen a écrit:Faudra que j'essaie
Certains avaient parlé d'utiliser les élastiques pour les crinières de chevaux ou quelque chose du genre.

... et un chouchou pour les filles, ça peut pas aller ?  

Jeppesen a écrit:Même avec des PPU, ça tire plutôt bien à 200 mètres, enfin pour un tireur avec une "vision faiblissante"....



Ce qui me fait penser que je ne l'ai jamais essayé aux 300 mètres !  

Dis-donc, il présente super bien ton 86/93

c'est ce que je me suis dit en voyant la photo, il ne l'a pas présenté il voulait pas nous faire baver !

trep belle piece ! , pour le tir , j utilise les memes poudres et ogives .
question etuis , pas de soucis beaucoups des miens on plus de 20 rechargement sans soucis
etuis ppu apres tir de manufacturée (trop pechue avec mon mousqueton ! lol)

Pour avancer dans ma recherche, quels outils en 8x51R me conseilleriez-vous ?

J'aimerai trouver un JO de chez Ch4D ou RCBS ...

Qu'en pensez-vous ?

Je ne connais pas les CH4D, mais j'ai eu des déboires avec les RCBS, le recalibreur ne respectant pas le double cône de l'étui. J'utilise depuis longtemps le LEE, le plus souvent en recalibrage partiel.

Je ne connais pas les CH4D, mais j'ai eu des déboires (il y a plus de 10 ans quand même) avec les RCBS, le recalibreur ne respectant pas le double cône de l'étui. J'utilise depuis longtemps le LEE, le plus souvent en recalibrage partiel.