Une épée d'Officier Mle 1816 dite "Épée Unie"

Bonsoir les amis,

dans la foulée de l'épée 1857 de Sous-Officier qui vient de vous être présentée,

voici une Épée d'Officier Modèle 1816 :



Cette arme, dite aussi "épée unie" est adoptée dès le mois de septembre 1815 puis dénommée "Épée modèle de 1816".
Elle sera donnée aux officiers d'infanterie et autres troupes à pied et remplacera progressivement les anciens modèles hérités de l'Empire et de l'Ancien régime.
Cette épée constituera un modèle-type qui perdurera jusqu'en 1939 !

Examinons l'épée en détail.

La poignée est en laiton doré moulé d'une seule pièce, une innovation due au fourbisseur Manceaux.
En effet, jusqu'alors, les différentes parties de la poignée - plateau de garde, arc de jointure, pommeau, quillon - étaient assemblées par brasure et par crochets.
La fusée est soit en bois tourné et filigrané, soit en laiton moulé dont le décor imite le filigrane.

Sur cet exemplaire, la fusée en bois a reçu un double filigrane de fils d'argent : un premier enroulement d'un fil très fin (0,3 mm) et par dessus, un second filigrane de fils d'argent un peu plus épais (environ 0,5 mm) disposé en spires aplaties.

Malheureusement, le premier système a quasiment disparu, laissant à nu le bois de la fusée à travers les spires du second. Le tout est classiquement maintenu par deux viroles en laiton.



La fusée est surmontée d'un large pommeau uni, en olive, enfilé sur la soie. Il porte à sa partie supérieur un méplat donnant assise au point de rivure.

La présence de ce méplat dit que nous sommes en présence d'une épée unie du 2e type, le pommeau du premier en étant dépourvu.

L'ensemble des pièces est verrouillé par le rivetage de la soie qui vient refermer la poignée et enserrer les viroles et la fusée. Ce mode d'assemblage assure la meilleure rigidité possible tout en permettant une éventuelle réparation.

Voici un aperçu de l'assemblage (image tirée du livre de Michel Pétard présenté à la fin de ce post) :



La poignée vue de bas montrant que les plateaux de garde sont asymétriques.
Mais pas seulement.
Ils sont fixes. Le système de clavier monté sur charnière n'apparaîtra qu'un peu plus tard, encore et à nouveau une innovation signée Manceaux.
Les plateaux fixes indiquent une arme de fabrication précoce :



Nous l'avons vu, le plateau principal porte une belle fleur de lys - évidemment dans le style de la Restauration - fixée par serti de deux petits tenons sur le plateau.



Beaucoup plus tard, avec les règlements de 1872, les symboles des régimes politiques seront supprimés et remplacés par des motifs de spécialité : la grenade de l'infanterie, la cuirasse du génie, les canons de l'artillerie, la lyre de la musique, le caducée de la santé ... etc.

Avant de parler de la lame, intéressons-nous à l'arc de jointure portant un unique poinçon :



Il s'agit de l'un des poinçons attribués au Contrôleur de Première Classe Jean-Georges Bick, plus précisément celui utilisé entre Mai 1815 et Août 1824.

La lame de l'épée est restée dans sa longueur de 81,5 mm. C'est une forte lame à deux tranchants, à nervure centrale séparant deux gouttières sur la moitié de la longueur.

Elle porte un marquage sur les deux faces. Le seul qui subsiste indique Manuf.re Royale du Klingenthal.
De l'autre côté, certainement le mois et l'année de fabrication :



Enfin, terminons cet exposé avec la classique photo des dimensions :




Ces épées vont rester en usage depuis la Restauration jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale.
Celle longévité tient beaucoup à sobre beauté et à leur équilibre, mais aussi à leur grande solidité.

Assez rapidement, elles vont recevoir le fameux plateau mobile à charnière de Manceaux.
On va leur donner aussi d'autres lames : triangulaires, plates ou lenticulaires.
Leur fourreau, primitivement en cuir, va adopter l'acier bien plus protecteur et endurant.

Cette pièce est intéressante en ce qu'elle nous donne à voir l'épée dans son état à l'origine.

Hormis son filigrane, elle reste dans un très bon état sans jeu.
Reste à lui trouver un fourreau de cuir avec chape et bouterolle ...

Pour finir, je tiens à parler des deux ouvrages qui me sont devenus indispensables.
Tous deux sont épuisés mais on peut encore les trouver en occasion :

Celui-ci de Michel Pétard présente des magnifiques illustrations aquarellées de l'auteur :



Enfin, voici une véritable encyclopédie par Jean Lhoste :



Il y a beaucoup d'autres livres, bien sûr, mais rien qu'avec ces deux-là, on a la quasi certitude d'identifier une toute épée française depuis le XVIIe siècle.

Sur ce, il me reste à vous souhaiter un très joyeux Noël      

À bientôt

Merci St Etienne pour toutes ces explications, ces détails et ces photos.. Je t'avouerais franchement que jusqu'à présent je regardais ces épées avec un certain dédain.....2 dormaient chez moi dans un coin depuis des années en attendant des jours meilleurs.

Par un sujet précédent, tu m'as donné envie de les restaurer, c'est en cours, j'y ai déjà passé un grand nombre d'heures, et je commence sincèrement à m'y intéresser.....et à les aimer.

Je regrette vraiment d'avoir laissé passer toutes celles que j'ai eu l'occasion d'acheter, les jugeant sans intérêt, par méconnaissance, les croyant que civiles.

Ps. refaire une fusée avec basane en peau de lézard et quadruple filigrane, c'est vraiment un travail de dingue. Les ouvriers de l'époque devaient avoir un outillage adapté.

Pour rebondir sur les docs utiles, il faut signaler les fascicules de Christian Aries illustrés par Michel Pétard.

Pour les armes blanches, ils sont aussi incontournables que la série des Boudriot-Marquiset pour les armes à feu.

Fascicules :

Sabres d'officiers d'infanterie dits "petits Montmorency" :

Épées unies de sous-officiers du Second Empire :


Concernant ce livre :


Il est encore disponible ici :

https://fr.empirecostume.com/45-neuf-michel-petard-des-sabres-et-des-epees-troupes-a3685.htm

Et j'insiste, si vous pouvez, essayez d'obtenir les cahiers de Christian Aries / Michel Pétard mais .... bourses, sites et librairies spécialisés.

Pour ma part, c'est ce que je fais, mais faut être patient.

Joyeux Noël !