Visite du musée de l'Hstoire navale de Venise (dit Musée de l'Arsenal)

Avant d’évoquer la visite du musée, quelques mots sur l’Arsenal de Venise et le rôle décisif qu’il a joué dans la prospérité et la puissance de la cité :

En 1104, le Doge Ordelafo Faliero décide de doter la ville d’un chantier naval pour accroître la puissance maritime de la Cité des Doges. Le site se développe à partir de 1143, après la création du Grand Conseil de Venise, puis après la réunion des soixante paroisses existantes en six quartiers d’une même ville, en 1169. En 1204, l’arsenal fabrique les navires transportant les chevaliers de la quatrième croisade.
A partir de 1295, le retour de Marco Polo à Venise ouvre la route vers l’Asie, porteuse du commerce des épices et de la soie.
En 1297 est instauré « l’Incanto des galées du marché », qui est certainement le plus ancien système de sociétés par actions. Pour un investissement limité à un seul voyage, les investisseurs partagent les risques et les bénéfices proportionnellement à leur mise. Ce système permettra à Venise d’entreprendre des aventures maritimes à grande échelle et d’armer, au XVème siècle, une flotte évaluée à 6000 galères. Plusieurs lignes commerciales sont mises en place, vers l’Angleterre, les Flandres, Alexandrie, Beyrouth, Aigues-mortes…
L’Etat vénitien lui-même participe à ces investissements, dans le but de posséder des galères militaires utilisables en temps de guerre, tout en les rentabilisant en temps de paix par un usage commercial. Une galère peut alors être équipée en une seule journée, et l’Etat conserve en permanence une réserve de cent galères immédiatement fonctionnelles.

Aux XIVème et XVème siècle, ce système permet à l’Arsenal de devenir le plus grand site industriel du monde. Il s’est considérablement agrandi, et occupe désormais 25 hectares. A son apogée, à la fin du XVIème siècle, 16000 ouvriers -qui devaient jurer de ne pas révéler les secrets de fabrication sous peine de représailles sévères- produisent un bateau par jour. Lors de la guerre veneto-ottomane (1570-1573), l’Arsenal lance cent navires en deux mois, sa plus grosse production jamais réalisée.
Pour ce faire, les Vénitiens délaissent les techniques traditionnelles de construction navale, et utilisent une organisation qui préfigure le travail à la chaîne, où le bateau avance le long d’une ligne de production sur laquelle sont assemblées des pièces standardisées préalablement fabriquées et numérotées par les ouvriers.

Aux XVIIème et XVIIIème siècles, l’Arsenal connaitra des fortunes diverses, notamment avec les occupations françaises et autrichiennes…Depuis 1866, l’Arsenal est occupé par la marine italienne, et n’a plus de fonction importante. Il ne se visite pas, hormis lors de la Biennale de Venise, qui se tient en partie dans ses murs.

Fondé en 1919, le Musée d’histoire navale de Venise se trouve dans un édifice utilisé depuis le XVIIème pour conserver les différents modèles et projets d’embarcations. Saccagé sous l’occupation française en 1797, il constitue toutefois un premier musée en 1866.
Aujourd’hui, le musée situé à proximité de l’Arsenal présente sur cinq étages une importante collection de pièces d’artillerie, d’armes diverses, de maquettes de bateaux de toutes époques, d’uniformes, instruments de navigation….

L'entrée de l'Arsenal



Je ne pouvais pas passer par là sans faire un clin d'oeil à Hugo Pratt, le créateur de mon avatar...



Cette formalité accomplie, commençons la visite du musée, avec une pièce du rez-de-chaussée consacrée à l'artillerie. Une belle collection de mortiers :

Et d'autres pièces....







Un peitt mortier à roulette, joli comme tout....





Un projectile peu banal....Il n'y avait pas de descriptif, mais sa structure me semble tout à fait apte à démater les navires adverses...

Dans un autre pièces, des armes individuelles....pour soldats costauds!

Deux jolies pièces en bronze :





Des armes plus récentes :

Sabres et épées...



Le sabre du bas appartint au corsaire Guiseppe Bavastro, dont la vie est résumée ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Giuseppe_Bavastro



Et cette épée fut offerte à Garibaldi :

Quelques mitrailleuses dont une maxim, décidément présente partout :



Une Saint-Etienne :



Une Fiat :



Et le Graal, une Gatling :

Quelques photos de détails de la Gatling, devant laquelle j'ai bavé un bon moment. Bizarrement, elle se trouvait dans un coin sombre, sans le moindre éclairage, ce qui m'a obligé à prendre les photos au flash. Pas le meilleur moyen d'obtenir un bon résultat...











Et surprise : C'est une chinoise....

Le musée présente aussi de très belles maquettes :

Une reproduction du Bucintoro, la galère d'apparat du Doge, qui était entièrement sculptée et recouverte d'or. L'originale fut détruite en 1797, pendant l'occupation française. La superstructure fut brûlé pour en récupérer l'or. La coque servit de prison flottante...





Un autre navire....

Superbe !

Merci pour les photos et la "visite"

Il s'agit là d'une présentation très partielle de ce qui peut être vu dans ce musée, mais je me suis efforcé de me limiter à la période du forum. Nombre d'autres pièces toutes aussi intéressantes sont exposées : Uniformes, nombreuses maquettes de navires et sous-marins plus récents, ou des gondoles qui sortent un peu du domaine militaire qui nous intéresse. Et aussi quelques pièces exceptionnelles comme ces deux "maiale", les propulseurs utilisés par les plongeurs italiens....

Bref, un musée à ne pas manquer si vous allez un jour à venise....

Ben, j'y suis allé une bonne quarantaine de fois, à Venise...et je suis souvent passé du coté de l'Arsenal...mais bêtement, je n'ai jamais pris le temps de visiter son musée

Un grand merci j'ai visité le musée rien qu'en regardant  ton post !

Salut !
Quel immense plaisir de se trouver à nouveau transporté dans ce lieu magique que j'ai déjà visité 3 fois....
Ton reportage est d'une très grande qualité; un immense merci!

Et oui, ce sont bien des boulets ramés, en voilà un autre exemple de conception assez proche:

Sur ce modèle, il semble que la chaîne se trouve à l'intérieur du boulet, lorsqu'il est assemblé. Sur le modèle exposé au musée, les deux demi- boulets sont pleins, et la chaîne doit donc se trouver à l'extérieur, dans le canon....

C'est bien possible....mais j'ai des doutes que ça arrive à tout rentrer dedans

CLOSDELIF a écrit:C'est bien possible....mais j'ai des doutes que ça arrive à tout rentrer dedans

C'est vrai....mais comme le premier anneau se trouve à l'intérieur de chaque partie, le boulet ne devait pas se refermer, alors (ou plutôt se reformer)

Je reviens la-dessus, parce que c'est intéressant...Sur les boulets exposés au musée (et présentés plus hauts), on voit qu'une demie sphère présente un creux sur sa face plate, et l'autre une excroissance qui doit venir s'emboiter dans ce creux quand on referme le boulet. Mais la chaîne reste à l'extérieur, et dans ce cas, où la met-on lors du chargement (devant ou derrière?). Parce que ces bouts de ferrailles tortueux, ça doit quand même frotter pas mal dans le tube...

Sur le modèle présenté par Marc, j'ai d'abord pensé que la chaine devait rentrer dans les deux demi-boulets, puisqu'ils sont creux, et que les premiers anneaux se trouvent au milieux de ces creux. Mais il est vrai que tous ne doivent pas tenir dans ce volume, ce qui fait que les demi-boulets ne doivent pas non plus se mettre en place pour former un boulet sphérique dans le canon...Ce qui n'est pas mieux

Bref, si quelqu'un sait comment ça fonctionne, ça m'intéresse...

Corto Maltese a écrit:Avant d’évoquer la visite du musée, quelques mots sur l’Arsenal de Venise et le rôle décisif qu’il a joué dans la prospérité et la puissance de la cité :
....

Merci de cette présentation-introduction.
J'ai appris quelques trucs. Qui demandent d'êtres un peu approfondis!

On se représente peut être pas bien aujourd'hui la puissance & la richesse de cette entité, durant quelques siècles.
Ni l'influence qu'ont pu avoir Venise & Gêne sur l'Occident & les siècles suivants (les "Grandes Découvertes").
Sur la chute de l'Empire Romain aussi! (l'autre, celui d'Orient)

Merci pour ce reportage illustré.
Chaque photo mériterai un sujet!
(y'a sûrement des bouquins & des études consacrés)

Corto Maltese a écrit:
....
Je ne pouvais pas passer par là sans faire un clin d'oeil à Hugo Pratt, le créateur de mon avatar...


....

Je sais pas si tu sais, mais il a réutilisé ce personnage pour développer tout un cycle de BD! (même le nom!)

Pâtre a écrit:Merci de cette présentation-introduction.
J'ai appris quelques trucs. Qui demandent d'êtres un peu approfondis!

C'est évidemment très succint, mais il est effectivement intéressant de creuser un peu l'histoire de Venise et de son organisation politique, commerciale et industrielle très novatrice pour l'époque, qui lui a permis de conserver son indépendance et sa prospérité pendant près de 1000 ans. Ce qui n'est pas rien....

Pâtre a écrit:Je sais pas si tu sais, mais il a réutilisé ce personnage pour développer tout un cycle de BD! (même le nom!)

Je connais bien entendu toutes les BD de Corto Maltese créées par Hugo Pratt, et l'image ci-dessus est d'ailleurs extraite de l'album "Fable de Venise". Mais pourquoi dis-tu qu'il a "réutilisé" (=utilisé deux fois) le personnage. Il y avait autre chose que les BD, que j'aurais loupé?

Corto Maltese a écrit:
...l'histoire de Venise et de son organisation politique, commerciale et industrielle très novatrice pour l'époque,....

Je ne sais pas si c'est si novateur. Si les relation avec Constantinople & l'Empire d'Orient (y compris sa suite Ottomane) sont complexes & comprennent une bonne dose d'adversité, il y a aussi des relations intenses.
Ce qui nous échappe peu être un peu du fait de la distance historique & géographique avait sûrement une évidence pour leurs acteurs.

N’empêche.....!
Le quasi "fordisme" de la construction navale laisse quelque peu !
Et encore! Fabriquer, c'est qu'une phase. Presque la plus aisée!
Songer aux approvisionnement (bois... métaux...., ....) .... avec les moyens logistique de l'époque.

Corto Maltese a écrit:
...Mais pourquoi dis-tu qu'il a "réutilisé" (=utilisé deux fois) le personnage. ....

Parce qu'il a réutilisé ton avatar & ton pseudo!

Pâtre a écrit:
Le quasi "fordisme" de la construction navale laisse quelque peu   !
Et encore! Fabriquer, c'est qu'une phase. Presque la plus aisée!
Songer aux approvisionnement (bois... métaux...., ....) .... avec les moyens logistique de l'époque.

A priori, Venise avait aussi intégré la fourniture des matériaux pour la construction navale...Voilà ce qu'en dit Wikitruc (ça vaut ce que ça vaut, mais ça donne une idée...)

Le développement de l'arsenal bénéficie d'un contexte favorable :
des forêts pour l’alimenter en bois de marine: l'Adriatique est bordée de forêts et Venise au fond de l'Adriatique, draine le commerce d'un riche hinterland forestier. Venise favorisée par son climat, des pluies plus abondantes et mieux réparties que sur d'autres côtes, jouissait d'une végétation de feuillus et de résineux étagée, entre la plaine du Pô et les Alpes, et d'un arrière-pays montagneux, traversé par des fleuves navigables, sur lesquels le flottage des bois pouvait être réalisé, aboutissant sans difficulté à la lagune de Venise.
(...)
En 1463, la Magnifique Communauté de Cadore fait don de la forêt de sapins Somadida à la République Sérénissime de Venise afin qu'elle puisse tirer les mâts des navires pour combattre les Turcs; la forêt est consacrée à l'usage exclusif de l'arsenal. En un siècle, la République interdit les bois des principales essences nécessaires à la construction navale: en 1471 la chênaie de Montello située le long du Piave ; en 1548 pour le bois d'aviron le Cansiglio dans les Préalpes de Belluno ; en 1567 les sapins de Caiada, également dans la région de Belluno ; en 1580 ceux de Visdende en Cadore. Elle crée aussi un cadastres, un inventaires forestiers. C'est un travail sans égal en Europe à cette époque, qui vise à obtenir une estimation de toutes les ressources forestières des domaines vénitiens et à établir leur contrôle périodique, en le combinant avec une gestion visant à augmenter la production. Le premier cadastre créé en 1489 concerne les bois du Frioul. 32 bois sont ensuite arpentés pour une extension totale de 477 ha, et c'est le premier d'une quarantaine de cadastres réalisés par Venise jusqu'en 1796, dans lesquels étaient indiqués les limites, l'exposition, le périmètre, l'état des chênes. Un second cadastre fut créé en 1536, dans lequel chaque bois était non seulement confiné, mais aussi entouré d'un fossé et équipé de ponts et de barreaux aux entrées, interdisant toute utilisation qui aurait eu lieu sans autorisation de la justice.

Tout cela est vraiment passionnant !!!

Merci pour le partage et le clin d'oeil à Hugo Pratt* est sympa !

NB* : en dehors de Corto Maltese j'aime bien aussi les Scorpions du désert avec un autre héros atypique ...